27 février 2010
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23:27
Le voilà donc, bras ballants, bouche bée, essuyant la volée d'injure jetée à sa face blême. Il croit succomber mais reste droit. Il est entier et direct. Il ne se laissera plus faire. Son corps a
compris, sa tête non. Un peu plus de temps est nécessaire pour s'affranchir de son rôle, plus de temps pour sortir des chemins battus et arpenter ces territoires nouveaux. Son bras, sa nuque, son
sexe, tout est déjà sur le départ. Mais l'esprit résiste et campe les derniers barrages face aux pulsions insurgées qui remontent du tréfonds de ces cellules; la gorge reste l'ultime verrou d'un
colère libératrice. Rien ne sortira de cohérent, rien d'audible, qu'un diable de cri horrible et terrifiant. Il n'y aura pas d'explication. C'est impossible. Mais l'acte sera posé enfin,
libérateur.
Joachim
-
dans
Microcuentos
27 février 2010
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16:09
L'air est vicié, et je me sens mal. Ce
n'est pas la peine de l'écrire semble-il mais quelque chose me pousse à le faire malgré tout. Toujours cette même force qui
envahit tout mon corps jusqu'à l'extrémité des doigts. Le lien est ténu, fragile et prêt à se briser à chaque instant. J'en envie les querelles d'amoureux, et leurs lèvres réconciliées. Ce
samedi, assis, prostré, inexistant où l'heure me parait amère et triste et le ciel gris, j 'aperçois ce chemin par où tout s'éclaire étrangement; comme une porte de sortie dans les détours de mon
jardin. Au delà des jeux de styles et de mots, il y a une voie, encore bien encombrée de pensées inutiles et de babioles intellos, mais le chantier commence à peine, et les murs s'ouvrent petit à
petit. On fleurit l'horizon de possibles insoupçonnés, et la résistance des cloisons, le fracas de la pierre qui se rompt font place à la douceur et à la lumière. Ce ne sont plus de mots usés
mais des mots « chairs », enfin pesants, denses, bruyants et encombrants qui dynamitent les étroits couloirs de mon esprit. Ils sont joyeux et iconoclastes, ils rient de leurs frasques, de ma mine déconfite, de ma
désolation de les avoir laissés rentrer. Ils sont là et ont bien l'intention d'y rester. Le réveil est dur, et ce froid bleu est difficile à accepter mais je sais pourtant qu'il est ami et me
montre la porte vers le sourire.
26 février 2010
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08:01
Se laisser porter. Juste se laisser porter. Suivre les signes et
trouver cette fluidité souveraine, cette force puissante que rien n'arrête. Être comme une pierre qui roule, qui mousse, qui s'envole. On s'attache aux
ailes des oiseaux, aux jeunes feuilles des arbres, remplies de saveurs printanières. On s'envole sur les murmures
des passagers. Ne pas s'arrêter, ne pas se limiter juste continuer à sentir cet état et faire confiance. Dans mes pas matinaux je trouverai le chemin, dans le rythme j'écarterai le doute et
surmonterai les contretemps. Le bal a commencé, les gestes sont encore hésitants, mais j'insiste et persiste. Des souffles légers me poussent et pressent mes pas, soulèvent mes bras, caressent ma
nuque, et soulèvent mon corps. Mes mots sont des clefs, des cailloux blancs qui balisent le chemin. La plante de mes pieds bénit le sol, sourit et embrasse mon vieux ronchon de poids, lui
promettant une belle journée.
25 février 2010
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07:33
C'était un soir où des évidences avaient été jetées. Ce n'était
pas agréable, à vrai dire plutôt très douloureux. Moris aurait aimé être cet artiste méconnu, contraint par une éducation corsetée; il se rendit compte là, les mains ballantes, impuissantes et
inutiles, que ce n'était pas le cas. Il réprima des larmes malvenues dans cette assemblée Certes il était doué, il avait du style, il savait observer et retranscrire, s'amuser avec les formes et
le sens, mais rien ne dépassait ce cadre. On enrobait, on faisait un joli paquet, rien de plus. Il
n'y avait pas d'école pour cela et la leçon fut amère.
Sa réaction surprit Moris. Il s'en pensait si loin. Il repensa à cette femme, à cette magicienne des chiffres, à cette castratrice arithmétique. Il eut cette colère et cette tristesse de l'homme
sans aile. Se bagarrer ou pleurer. Il n'y avait pas de canal, pas de voie libre pour circuler, un
cadre bien tranquille jusqu'à la mort. Quoi de pire que cela ?
Ce soir Moris retrouva le sable humide et connu de la grève moussante d'écume, au beau milieu des bateaux restés à quai rêvant du grand large..
Joachim
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Etats d'âme
20 février 2010
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14:18
Les chavirés dansent sur les dalles lisses et froides de la comédie, ils crient et hurlent, les narines dilatées happent les premiers souffles du printemps balbutiant. La furie tord leur plante
de pied, crie au travers de leur peau. Ils sont jaloux du soleil et des nuages, les bras tendus trop courts comme des enfants barbouillés de gourmandise. Les voilà les comédiens, les musiciens,
les magiciens qui iront nous voir les après midi de « café solarium », bousculant notre discussion convenue, s'invitant à notre table et s'affalant bruyamment sur les chaises
inoccupées. Les boucles de cheveux perlant de sueur, ils s'essuieront la moustache du trop plein d'écume dans un salut ponctué d'un rôt bruyant et souriant.
20 février 2010
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05:27
Quelque part là bas, il y a un jardinier qui
m'attend, un pécheur de sel, un amoureux des lettres, une femme blessée et seule, un « correspondant ». Quelque part là bas, le temps s'arrêtera, l'univers se posera entre nos mains,
sur le bout d'une vieille table au bois mal dégrossi, graisseuse et bancale, au milieu de la forêt rassasiée de parfums et de bruits..Quelque part là bas nos âmes se souriront, s'embrasseront
aussi intensément qu'après une longue séparation, réchaufferont nos cœurs et guideront nos mains, feront délier nos langues, et éclairciront le ciel. Quelque part là bas mes pas avaleront le
sable fuyant d'une dune immense vers une "flaque oasis", et suivront cet homme libre et souverain qui me montrera l'or de l'ordinaire, l' "épice" de ce bout de désert. Quelque part là bas mes
livres et cahiers d'écolier ne serviront plus à rien juste peut être parfois à pouvoir pousser la porte...
Joachim
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Del otro lado
20 février 2010
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05:02
Ils sont là sur le bord de la route, élançant leur grande silhouette squelettique vers le ciel gris et maussade. Simon est heureux de les voir et sentir. Il aime leur compagnie. Malgré
l'austérité de leur saisonnière apparence, leur présence le rassure. Il sent le bout de leurs doigts amputés caresser sa chevelure brouillonne; jouer avec les poils de sa barbe rousse et espiègle
comme de vieux amis s'amusent à se reconnaître. Il rit de les voir ce soir, milles éclairs crépitant autour de sa tête. L'air est frais, la rue déserte et Simon salue ses vieux compagnons en les
embrassant d'un grand rire complice.
Joachim
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Microcuentos
19 février 2010
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05:07
J'ai compris un jour ce que ce
la
signifiait. Je ne crois pas que je savais vraiment avant. Il y a des jours où le réveil est lourd, pesant, où on a du mal à s'arracher des draps, moites et collants pareils à des linceuls. On
aimerait laisser cette vieille peau qui nous serre. Le
jus noir du réveil nous lève
artificiellement mais ne nous libère pas de cette lourdeur. On pousse les volets machinalement. Qu'importe la météo, l'espace nous semble toujours le même. On aimerait crier et chanter. Cela nous
est impossible. On enchaine les automatismes espérant qu'un signe viendra alors nous guider. C'est peut être dans l'odeur du café qui s'écoule poussivement dans une cafetière entartrée, dans une
info jetée par les ondes hertziennes, une note de musique, le rire d'un enfant dans la rue...C'est peut être en descendant les escaliers, dans la rue, en faisant les premiers pas, sur la première
page d'un journal gratuit, sur la facade revisitée d'un vieux bâtiment, sur le visage d'un passager du tramway, ou mieux encore lors une rencontre à l'arrêt de bus. Alors
l'ange vient nous souffler quelques mots, et nous dire « réveille toi, tu es là et vivant...
Regarde ! »
14 février 2010
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10:45
Au pas de la serveuse j'avais déjà senti une certaine tension, ce mercredi, l'échéance appréhendée d'une date, d'un rendez vous important. Elle, qui avait l'habitude d'utiliser cette séduction
naturelle dont on l'avait doté, ce jour-ci était fermée, les lèvres presque serrées, le pas hâtif et étroit et sur la défensive. D'autres indices m'avaient rappelé l'imminence de ce fameux jour,
de ce jour fatal, pour les errants de l'amour. A croiser le regard parfois interrogatif de certaines étudiantes, je sentais bien qu'on s'approchait du jour J. Alors comme si le cœur connaissait
« una fecha en el calendario », il fallait « s'urger » pour sauver la face, éviter le malaise fatal, le flot de torrent d'eau de tristesse, s'agiter pour éviter les
impasses des rendez-vous ratés, des désaveux, des hésitations. Il fallait assumer son âge, l'horloge,biologique, passer aux choses sérieuses, construire...et puis tant pis si il , ou elle ne
comprenait pas, Saturne a ses exigences et dévore les yeux « soleil » des enfants. Alors bien avant este fatal dia, je croisais déjà les
dommages collatéraux de cette « célébration », longues discussions stériles de couples déjà séparés, et cœurs "au pas " du dictat de la
représentation. Mon cœur fatigué n'avait pas eu le courage de faire sourire cette fille, et la faire rire de ce piège de Chronos.
Ce matin, le soleil dominical est toujours blessant, appelant l'autre, le « bonheur endormi sous les draps » qu'il pourrait venir caresser.
Ce matin comme un autre.
Sigueindo mi pasito...
Joachim
-
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Etats d'âme
6 février 2010
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16:53
Il y a de l'or dans ces mains, de grands rayons de lumière qui s'échappent de ses paumes. C'est si beau qu'il en pleure parfois, débordé et submergé par ce flot d'émotions qui s'empare de lui. Il aimerait donner tant. Ses mains il
ne sait pas où les foutre. Il se sent faible comme un enfant maladif incapable de se protéger; Et cet or lui brule les doigts, et continue de déchirer son cœur. Il voudrait crier le plus loin
possible et inonder la terre de cette joie mais elle reste là comme un oisillon mourant sur le goudron bleu du trottoir. Puis il y a les jaloux, les rapaces de tout genre, gnomes grouillants qui
rodent, le traquent, s'approchent de lui fascinés par cette lumière. C'est leur légion qui fait leur force, leur obstination leur nuisance. Son don est une souffrance, une torture. Il se répète
cette exigence de trouver le chemin qui lui permettrait de continuer sans tomber, sans être submergé, suivant enfin le rythme salutaire. Mais son cœur hoquette, s'emballe et ses yeux se mouillent
à ne pouvoir partager. Son impuissance le désarme et l'afflige et sa rage est vaine. C'est une prison insondable. Que faire de tout cela ? Il se demande si il a cette force suffisante pour ouvrir
sa porte à cette foule d'espoirs froissés et de cœurs ankylosés Il se sent si fragile. Il aimerait apercevoir cette étoile, entendre cette voix réconfortante, cette présence qui lui prendrait sa
main et juste un instant l'accompagnerait dans cet élan si capital. Mais il est seul, avec ces armes qui lui paraissent tellement ridicules, et le guerrier, le corps fourbu, dans la brume du
matin pleure sur ses épées....
Joachim
-
dans
Etats d'âme