26 juillet 2010
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08:17
C'est pas qu'Arthur avait vraiment peur, c'est plutôt
une envie folle de ne pas poursuivre cette errance sans constance, ce désaveu existentiel permanent. Il lui faudrait du courage, paradoxalement pour fuir. Ne pas reproduire les mêmes erreurs, ne
pas s'engager dans ces voies teintés de faux espoirs, et jouer enfin au enfant terrible. Non ce n'était pas lui qui végétait ainsi dans ce petit espace. Un cohorte d'anonymes griffaient
désespérément les vitres de leur prison de verre. Il n'avait pas de temps à perdre avec ces appels auquel il ne pouvait de toute façon répondre. La suite se dessinait déjà, partir, ne pas
s'attacher à des lambeaux d'habitudes qui le retenaient, à ces fausses exigences sociales. La baronne ne l'y reprendrait plus à ces jeux de dinettes pour adulte avec ces caprices de jeune fille
gâtée hantées par la mort et la solitude. A ce duc déchu, que pouvait-il dire ? que cet éclat de soleil était juste pour lui, une bénédiction, une grâce, un sourire du destin, si simple si
sincère, que les mots pour le montrer paraissaient forcement naïf. Devait-il lui hurler que son orgueil était ridicule, que ces mots "couperet" ne changeaient rien à cette évidence. Arthur
regrettait encore ce numéro de cirque de son ego et de ses chairs, de son cœur palpitant d'enfant solitaire qui l'avait meurtri et blessé. Non ce n'était pas ici que l'on s'arrêtait. Pas devant
cette porte même entrebâillée qui laissait deviner la fraicheur bienveillante et hospitalière d'une belle demeure. Non ce serait encore un arrêt illusoire. Il fallait tracer la route et
continuer.
Joachim
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dans
Etats d'âme
20 juillet 2010
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08:51
Ce soir Jack sirotant son verre de vin en tentant de neutraliser une contamination volontaire de Penicillium camemberti avait cette impression forte d'être ce mec qu'on siffle.
« Ce mec qu'on siffle les soirs de semaine où la solitude se fait sentir. Les soirs de semaine où on ne sait plus trop si on a fait le bon choix. On se console alors à calmer son doute par
cette présence masculine réconfortante, cette chaleur rassurante de ce désir qu'on devine et comme une jeune fille capricieuse que l'on fait mine de bouder.
C'est des soirs où l'orgueil nous monte à la tête, ou l'on se dit qu'on est pas n'importe qui et que l'on mérite de égards. Où l'on regrette les manières du temps jadis. Alors lucide et blasée on
s'amuse avec le premier rongeur venu qui nous tombe sous la patte, le coup de griffe désabusé, rêvant d'ailleurs qu'on a pas le courage d'aller voir. On console son ego de cette curée amoureuse
amusante remplie d'halètements baveux et inoffensifs ».
Ce soir Jack avait ramené sa truffe au premier coup de sifflet, les oreilles dressés, et la queue en éveil. Sa faiblesse mainte fois recommencée l'atterra et il se servit un autre verre en
pensant que c'était peut être çà l'amour.
19 juillet 2010
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Les vieux démons sont de sortie. Exu rit dans son coin au spectacle prochain du grand bal libérateur. Le monde
tremble dans une grande transe, dont on perçoit à peine que les premières pulsations. C'est lancé et inexorable. les ego, les écrits, les ressentiments tout sera bientôt balayé dans un
grand nuage de poussière. Adieu les vieilles mémoires ! Et les gardiens du temple paraissent murmurer les sentences à venir. Oui il y aura du sang et des larmes, et la vielle mère laisse éclater
sa rage et pleine de furie frappe le sol de ses pieds nus en en appelant aux forces de l'inframonde. Et comme la cigale attend les échos du printemps, une cohorte d'oubliés des faux semblants et
de renégats des équilibres viciés, répondant à son appel, se réveillent enfin. Il est temps. Les « ravis » ne savent pas pas encore le prix à payer et se trémoussent de manière mondaine
à ce qu'il croit être une éphémère festivité. Mais la vielle croute se déchire enfin contenant encore péniblement ce flot du renouveau, cette danse de résurrection, ce mouvement infini.
Joachim
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dans
Le grand réveil
16 juillet 2010
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08:41
Dans l'absolu, j'aimerais écraser des
bouts de terreur sur mon chemin, piétiner de manière nonchalante ces lambeaux d'idées noires, le pas léger et décidé. J'aimerais que tous mes muscles s'enfoncent dans cette masse fluide sans
résistance, les narines gonflées de puissance. Mes orteils comme des racines improbables chatouilleraient la terre collante et grasse du sentier . Dans l'absolu, je voudrais que mes sens
s'installent comme une évidence, une certitude qui éclaireraient mon front baigné de sueur caressé par une divine fraicheur. Alors au beau milieu des myriades d'épis incertains et des
constellations d'asphodèles, reprenant ma respiration j'expierai d'un grand cri joyeux pour dire merci au monde.
14 juillet 2010
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Je suis ici et le son s'arrête. Je suis ici et je m'absente comme par magie. J'aimerais me retirer mais je ne peux pas. Je m'enfuis mais je perds à chaque fois au jeu de cache cache; il y a des chemins terrifiants qui serpentent le long des remords
et des pardons. Il me faudrait plus de courage. Je cherche cette voie étroite entre l'oubli et la passion et la délicieuse sensation du flot sanguin dans mes artères.
Mais l'amuseur public qui croise mon chemin m'arrache un sourire et m'emporte dans sa ronde éphémère et dérisoire. Il m'arrache à sa terre si pesante, un court instant j'accepte son vol factice,
sans aile, heureux de fuir enfin. Au diable les assauts des vilains refrains de cette vieille chanson qui n'en finit de s'entêter à accompagner mes pas solitaires.
Et le bouffon repart, comme une création fugace, me laissant seul sur le trottoir. L'air est encore léger, mais les images s'ennuient des regards quotidiens. Pas de perspective cachée dans les
lignes des ruelles devant moi, pas de point de fuite dans ce décor usé par mes yeux assoiffés de réponse. Il y a mes pieds au sol, et la terrifiante réalité : je suis ici.
11 juillet 2010
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22:06
Arthur n'aimait pas l'été. Il n'aimait pas ces journées absentes
derrière les volets mi clos. Il n'aimait pas cette nature endormie, assoiffée et brulée. Il détestait cette odeur de bitume chaud et l'arrogance de ces senteurs quotidiennes et domestiques les
soirs d'été dans les cours d'immeuble. Tout lui semblait si grossier en cette saison. Écrasées les nuances, déchirés les nuages cotonneux au sourire « bonhomme», balayée la fraicheur
« framboise » des matins printaniers. Non ce soir, comme à l'accoutumée, il ne restait que cette fatigue pesante annonciatrice de la solitude d'une nuit trop chaude et sans sommeil.
Joachim
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dans
Microcuentos
6 juillet 2010
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08:53
J'ai la pensée libellule amarrée aux
restants du jour. J'aimerais m'envoler et toucher le nectar des fleurs amarantes, oublier le souci grisonnant, et crier des mantras mécaniques aux oreilles des amants blessés. Il y a tant de
temps disparus au milieu des passions et tant de refus d'aimer. Je reste à siroter les gouttes de pluie au milieu des asphodèles dans les parfums de réglisse. J'apprendrais aux enfants aux
sourires acrylique à faire des cœurs baveux avec des queux de lièvres sur des papiers assoiffés.
4 juillet 2010
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10:41
Ce soir, sur la route qui grimpait sur le causse, dans la lumière rougeoyante et rasante du soir, qui faisait danser et chanter les asphodèles en fleur, Simon pensa aux leçons apprises du jour.
Il avait voulu montrer trop haut et trop vite. La lumière avait attiré les ombres, et péché d'orgueil fatal, il ne s'y était pas préparé. Il se sentait mieux. L'homme l'avait soigné et donné des
conseils précieux. Il aurait aimé dire tant de choses mais cet esprit versait dans l'absence en ce moment là. Il avait besoin de rompre ce lien funeste, cette présence paralysante. Il fallait
vivre ici. Il avait tant de choses encore à apprendre. Ces règles de vie qu'il s'étaient imposées ne suffisaient plus. Le bateau prenait l'eau de toute part. Il fallait passer à autre chose.
Changer de cadence pour retrouver l'harmonie. Il s'accrochait à cette fluidité qu'il ne retrouvait plus; il en était loin.
Sortir du trou, respirer, s'élever enfin. Vaste élan qui terrasserait les dragons; s'affranchir des limites, des peurs, des vices, des plaisirs étriqués, enfin partager, ouvrir la caverne, et
trouver enfin le « sésame » du cœur...
5 mai 2010
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L'aigle sait tuer, les vautours attendent l'épuisement. Ils lacèrent les chairs, insistent patiemment à coup de bec le buffet pour qu'il devienne froid. Ils aiment cette chaleur qui s'estompe et leur ouvre l'appétit et cette nuit venant fait tressaillir leur
chair au souvenir de l'ombre. L'aigle s'en fout. Il est là haut, fasciné par ce spectacle éternel. Les vautours s'obstinent laborieusement à leur tache macabre; pas de répit pour la
souffrance. Pas de coup de grâce libérateur; juste une lancinante rengaine celle du monde malade qui pleure sa fin.
Le marcheur solitaire craint l'aigle qu'il croit vautour; il espère ne pas tomber; mais au moment du sommet de de sa fatigue il oublie de regarder la silhouette salvatrice du rapace en vol, celle
qui l'accompagne depuis le début et éclaire son chemin. Car les vautours patauds ne volent pas si haut. Au dessus des nuages, l'aigle lui montre le soleil et le seigneur qui sommeille en lui, au
milieu de l'abandon et la liberté légère pour continuer sa route.
30 avril 2010
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08:15
Moris avait déjà la moustache, il lui manquait la guitare. Ce matin là il eut cette envie folle de bohème sur les chemins de soleil de mai. Se libérer enfin de cette tutelle, la guitare en
bandoulière, les chaussures usées par de délicieux vagabondages. Il avait ce désir délirant de poser son cul sur le premier bout d'un banc public venu ou d'un rebord de fontaine, poser ses mains
sur les cordes et en sortir une myriade de fleurs pour des passants ingrats. Il imaginait sa voix grave donner aux mécréants pressés ces prières du quotidien, ces injonctions chantées à aimer, à
sentir, à danser. Il aurait aimé ce matin là être ce trublion de trottoir, ce docteur de gouttière, qui vient et s'en va en laissant derrière lui s'envoler au vent ces ordonnances musicales.