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1 janvier 2010 5 01 /01 /janvier /2010 09:03

ame-grise.jpgC'est un matin, en conception, où le cœur étouffe de grosses bulles de rancœur. C'est un matin où la ville est belle et apaisante. C'est un matin où les silhouettes titubantes des bourreaux ivres dansant autour du corps fraichement immolé projettent leurs ombres de géant sur les vieux murs. Le cadavre est encore chaud; quelques heures seulement. On savait son temps compté. Il y avait bien eu du côté de Lunel, semble-t-il quelque agitation contestataire réclamant à grands corps, cris et battements de tambours la grâce des autorités; No we can't it. Non on ne pouvait rien contre l'inexorable et l'avancée du temps. Son sort en était jeté. L'assassinat collectif avait été joyeux encore cette fois-ci. Point de place pour le remord, mais au contraire une espérance presque incompréhensible en une nouvelle naissance. La mort expiatoire entrainait avec elle tous les défauts de la victime. Mais il y avait toujours des nostalgiques, des indécis, des septiques, s'interrogeant sur le bien fondé de la sentence et la nécessité d'un tel acte. C'était les mêmes qui ne se jetaient pas dans la liesse populaire du nouveau lendemain. Pourquoi celle-ci plutôt qu'une autre, toujours la même, et l'acte barbare répété avait le goût corrompu des habitudes séculaires, des réflexes conditionnés, et de la dictature d'un vœu collectif non sincère. Car, pour beaucoup, on ne fêtait pas le monde naissant et la promesse de nouveaux jours, on cachait surtout la peur d'impuissance et de la panique paralysante devant l'opportunité de changement que cette naissance apportait. On s'accrochait désespérément au vœux standardisés, pavloviens proférés plus ou ou moins distinctement au fur et mesure des premières heures égrenées. On ne savait plus vraiment pourquoi mais on le faisait par peur de perdre une chance, une chance d'espérer cette fois encore. On aurait aimé embrasser son voisin, ou cette voisine, et lui promettre la fin de ces souffrance et panser ces plaies dans une prière commune avec les mots justes ce qui traversent et soignent nos chairs meurtries. Mais les mots ne venaient pas, emprisonnés dans notre cage aux sentiments inavouables. On aurait peut être aimé alors danser saoul au milieu des joyeux et insouciants bourreaux de l'ancienne année, se joindre à cette meute bruyante et alcoolique pour hurler avec elle l'espoir du matin neuf d'une nouvelle année.

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